La manœuvre de départ a été serrée dans la baie de Sainte Anne, en Martinique. Nous avons bien mouillé après la marina du Marin derrière tous les voiliers. Durant notre séjour d'une semaine, 3 autres plaisanciers sont arrivés et ont jeté l'ancre assez près. Le catamaran devant nous a dû lever l'ancre à notre départ. Le bruit de notre treuil d'ancre aurait pu les réveiller et notre ancre était clairement sous leur bateau. Ils se sont éloignés.
Pendant les 15 derniers mètres de la chaîne, nous étions assis sur Topsail et Top Gallant, avec un support carré contreventé pour reculer le plus rapidement possible. Le ketch, à 20 m sur notre bâbord sans les propriétaires à bord, se rapprochait. Je retiens mon souffle tandis que l'équipage continue de transpirer sur le guindeau. Pas de pause au pompage, il faut traîner et ramener l'ancre à la maison. Ici, nous naviguons à reculons, remettons le foc extérieur en arrière pour qu'il tombe, nous préparons, installons les bobs et le reste des ailes de papillon noir.
Toute la chaîne que nous avions dans l'eau repose sur le pont car il faut marquer les manilles, la douleur est partie. Il y a une marque de fil perdue au milieu de ces 80 m mais elle n'était pas précise donc nous saurons maintenant combien nous jetterons à l'eau la prochaine fois. En fonction du type de sol, boue, sable, plaque de corail, galets, et de l'espace, nous adaptons la longueur.
Les départs et arrivées sont toujours des moments où tout le monde se rassemble. Les émotions que nous procurent ces manœuvres causées par la concentration, la rapidité d'action, les ordres donnés et répétés sur le pont, les dizaines de lignes réparties tout autour du pont en bois, rendent cette vie richement intense.
Sur la plage, à l'arrivée des fûts de rhum de la distillerie, j'ai reçu de nombreuses questions et remarques d'un public admiratif de notre travail. Il est partagé avec la famille de mon bateau. Il est toujours bon d'avoir des retours pour remplir nos ressources et égayer notre avidité lorsque la période difficile nous tape sur les nerfs.
Un grand merci à la distillerie La Favorite, à l'équipe de Frank et Cédric qui ont accueilli l'équipage pour une visite pendant le remplissage de nos fûts, et le détour par la quincaillerie, ainsi que le bon barbecue à bord préparé par notre super talentueux cuisinier.
Merci beaucoup au Yacht Club, l'équipe de Marie qui a organisé un généreux apéritif au ponton de la marina pour l'arrivée de la traversée de l'Atlantique, également d'avoir trouvé un soudeur heureux le dernier jour pour réparer la précieuse partie du robinet de cale.
Merci à Cédric Legumes qui a livré quelques cartons.
J'ai probablement oublié beaucoup de choses comme les changements d'équipage, les temps de repos des 2 quarts autour de l'île, les baignades quotidiennes, les couples de tortues, le jardin du maraîcher qui a des serres sans couvertures, les expériences d'auto-stop, les nuits dans les hamacs, les soirées conviviales et fraîches à bord…
Nous voilà désormais en route vers la Barbade, profitant pleinement de la bonne humeur, royale jusqu'au bout...